
Pour marquer le 10e anniversaire des attentats de Charlie Hebdo, l’Alliance Française a eu la plaisir d’héberger une soirée organisée par l’Ambassade de France, avec la projection du film Je ne veux plus y aller maman (I Don’t Want to Go Anymore, Mom – 2023) réalisé par Antonio Fischetti, grand reporter à Charlie Hebdo et survivant de l’attentat de 2015, suivie d’une discussion avec Antonio Fischetti, Camille Besse (dessinatrice de presse), Soulcié (dessinatrice de presse), et Coralina Picos, Directrice de Ca Presse (Lyon) et animée par Lara Marlowe, ancienne correspondante en France pour The Irish Times.
Pour faire écho à cette commémoration, une exposition de dessins de presse réalisée par Ça Presse est visible au Café Madeleine jusqu’à fin novembre.
Le 7 janvier 2015, le terrorisme frappait Charlie Hebdo. Douze personnes, dont huit membres de la rédaction, ont succombé à une fusillade qui a duré moins de deux minutes. Parmi les victimes, cinq dessinateurs : Charb, Honoré, Tignous, Cabu et Wolinski.
Après cet évènement traumatique, Antonio Fischetti a réaliséJe ne veux plus y aller maman, un documentaire personnel et émouvant sur la mémoire, le deuil et la guérison :
« Je suis journaliste à Charlie, et le 7 janvier 2015 j’ai échappé à l’attentat par la grâce d’un concours de circonstances saugrenues. L’onde de choc passée, une introspection s’est imposée à moi pour redonner un sens à ma vie fragmentée par ce drame. Parmi tous mes camarades assassinés, j’étais particulièrement lié à Elsa Cayat, la psychanalyste fantasque, qui tenait une rubrique dans le journal. Nous avions même commencé un film ensemble, sous forme d’entretiens. Guidé par les réminiscences de la parole d’Elsa, je revisite mon histoire et les raisons de mon engagement dans Charlie. Mon film est une quête à la fois sensible et décalée, questionnant le pouvoir des images et les ressorts du mot liberté. »
Le rôle du dessinateur de presse est de créer des dessins satiriques et/ou humoristiques pour les journaux. Ses dessins invitent à la réflexion politique et sociale, à la critique. Le dessinateur de presse agit comme un éditorialiste, exposant un point de vue, une certaine interprétation des événements et des évolutions de la société.
En offrant une lecture critique de la société et de ses excès, et en provoquant un débat démocratique, les dessins de presse contribuent pleinement à la culture du dialogue et, par conséquent, à la paix.
Cette soirée a permis au public de réfléchir avec les intervenants à l’impact durable des attentats de 2015 :
Comment cet événement a-t-il remodelé le journalisme et le dessin de presse ?
Que signifie publier, dessiner et parler librement en 2025 ?
Quel est le poids de la mémoire et du deuil – et de la résilience et de la liberté ?
Pouvons-nous encore faire rire, défier les normes, ou parler ouvertement… sans crainte ?
Cette discussion était une invitation à écouter, comprendre, questionner – et plus que jamais, à réaffirmer l’importance de la liberté d’expression.

Pour en apprendre plus sur nos invités:
Antonio Fischetti est physicien, spécialiste en acoustique, chercheur et enseignant, ainsi que journaliste scientifique. Depuis 1997, il collabore à l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, notamment à travers la chronique science et écologie L’Empire des sciences.
En 2015, il échappe de peu à l’attentat meurtrier de Charlie Hebdo, étant absent de la rédaction ce jour-là. Dix ans plus tard, il revient sur ce traumatisme personnel et collectif dans le documentaire introspectif Je ne veux plus y aller maman, mêlant mémoire, témoignage et résilience.
Thibaut Soulcié est un dessinateur de presse et auteur de bande dessinée reconnu pour son humour noir et son regard affûté sur la vie contemporaine. Professionnellement, il a évolué du récit graphique vers l’illustration journalistique, collaborant avec de nombreuses publications : 28 minutes (Arte), La Revue Dessinée, Fluide Glacial, Télérama, Marianne, Fakir, CQFD, et plus récemment L’Est Républicain et Mediapart.
Il est particulièrement remarqué pour ses dessins de sport dans L’Équipe, notamment lors de grands tournois comme l’Euro 2016 et la Coupe du monde 2018. En parallèle, Soulcié a coécrit et illustré plusieurs albums de bande dessinée.
Camille Besse a étudié à l’ENSAAMA (Arts appliqués), aux Gobelins et à l’ESAD (Arts décoratifs). Recrutée dès sa sortie d’école par Charlie Hebdo, elle a trouvé sa véritable vocation : le dessin de presse. Elle y publie son premier dessin en 2018 et y travaille pendant cinq ans.
Aujourd’hui, elle collabore à une dizaine de publications, dont Marianne, Reporterre, L’Humanité, Le Pèlerin, Phosphore et Les Cahiers pédagogiques. Elle réalise également des romans graphiques, des films d’animation, et anime parfois des ateliers dans des écoles ou en milieu carcéral.
Coralina Picos a fondé en 2019 l’association Ça presse, qui promeut l’éducation aux médias et le dessin de presse. À travers Ça presse, Coralina mène des ateliers pédagogiques auprès des élèves comme des adultes, afin de les aider à comprendre le fonctionnement des médias et à développer leur esprit critique.
Elle est également à l’initiative du Festival international du dessin de presse et des médias de Lyon (Les Rencontres internationales du dessin de presse et des médias), qui attire chaque année des milliers de visiteurs. Son travail met en lumière le rôle essentiel de la satire, de l’illustration éditoriale et de la liberté d’expression dans une société démocratique.


Thibaut Soulcié et Camille Besse devant leurs dessins, affichés dans l’exposition Ça Presse au Café Madeleine.
